Avec son gameplay ouvert basé sur l'assassinat et ses décors incroyablement stylisés, Dishonored est l'un des jeux les plus prometteurs de 2012.
Gros titre de l'année 2012 pour son éditeur Bethesda, Dishonored promet rien moins qu'un retour aux sources, celles d'un gameplay totalement ouvert hérité des mythiques System Shock et Thief. Avec Viktor Antonov au poste de visual design director(la City 17 d'Half Life 2, c'est lui), sous la direction de Raphaël Colantonio (fondateur du studio) et Harvey Smith (game designer sur Deus Ex), le dernier projet des frenchies d'Arkane suscite forcément beaucoup d'espoir, tout en restant bien mystérieux. Invités dans les locaux lyonnais du talentueux studio, nous avons vu le jeu tourner : retour sur un premier aperçu prometteur.
Liberté d'action dans un cadre magnifique Avec System Shock et Thief inscrits dans son code génétique, Dishonored se présente d'abord comme un jeu d'assassinat à la première personne. Au cœur du titre, la liberté est l'obsession première du game-design: pour accomplir ses meurtres, le joueur dispose en effet d'un grand nombre d'approches à composer entre fusillade classique, escalade à la Assassin's Creed et pouvoirs « magiques » aux applications diverses - téléportation, contrôle des ennemis, mini cyclones destructeurs... Une offre complexe que la démo, pratiquée par l'un des cadres de projet, nous a permis de mieux cerner.
Contrastes visuels, densité esthétique, la patte d'Antonov affleure dès la première image : une ruelle crasse encadrée de façades oppressantes s'ouvre au loin sur un bras de rivière, dans un clair-obscur saisissant. Quelques pas suffisent à croiser des civils et soldats discutant, l'air de rien, de leur vie de famille ou de la situation politique ; sur la gauche, une rue barrée par un grand mur ravive la mémoire des portails bloqués de la Cité 17 d'Half Life 2. Tout en canalisant l'espace de jeu, elle évoque un espace sous lourd contrôle militaire ; manière élégante de transformer un artifice de level-designer en porte ouverte à l'imaginaire. « La densité de l'expérience est au cœur du projet », nous confient les développeurs ; la démo le confirme : quittant la venelle sombre, le personnage tombe sur un bel édifice de type victorien baigné de soleil, dans un complet changement d'atmosphère. Cette bâtisse, un bain public abritant un bordel, sera le décor de la mission où nos deux cibles s'encanaillent en bonne compagnie.
Thief meets Assassin's Creed Surprise : le démonstrateur aux commandes se met alors à escalader la façade, exploitant la moindre corniche pour accéder au bâtiment par les toits ; à l'observer, les déplacements semblaient simples et naturels, le personnage sautant de rebords en fenêtres sans collision hasardeuse. Ce cheminement acrobatique était en outre l'occasion de constater le niveau de détail accordé à chaque parcelle du décor. « Tout doit être porteur de sens », commente un level-designer, « la moindre chaise, le moindre objet doit avoir une raison d'être ». L'environnement de la démo lui donnait raison, regorgeant de signes de son histoire et de sa logique architecturale : de l'escalier central on accède aux petits salons, antichambres et cuisines sans que le décor ne semble « plié » à une logique de parcours artificiel.
Sur la demi-heure de démo, la direction artistique montrait déjà des résultats surprenants. Un détour par les toits offre un point de vue magnifique sur la ville : un bateau de pêche rentre au port en teufteufant une fumée charbonneuse tandis qu'une volée d'oiseaux effarouchés décolle d'une corniche dans le ciel hivernal... autant de tableaux visuellement fastes, rendus possibles par une réalisation de premier ordre, alignant textures « peintes » et effets visuels - fumée, eau - soignés. L'animation et la modélisation des personnages respirent ce même savoir-faire artisanal : plutôt que d'épingler le réalisme en motion capture, les développeurs ont préféré l'expressivité d'une légère caricature. Les cibles porteront à ce titre leur origine noble et bourgeoise sur leur traits ; objectif avoué par les designers : les rendre délicieusement antipathiques.
Une ville segmentée en quartiers Structurellement, le jeu ne comprendra aucune cinématique et lâchera son joueur dans les missions à l'ancienne, sans les enrober outre mesure. La progression s'articule autour d'un hub central, un quartier de la ville de Dunwall abritant le Q.G. du personnage principal. Si le gameplay libre reste au centre des attentions, l'histoire n'est pas oubliée pour autant : on apprendra dès l'entame que notre héros, ancien garde du corps d'une impératrice, est accusé à tort puis mis au rebut. Le jeu raconte sa vengeance, sous la forme de missions d'assassinat des hauts dignitaires de la ville : libre au joueur de restituer son honneur ou de s'enfoncer dans une voie de paria.
C'est l'une des promesses du titre : permettre au joueur de façonner son histoire par ses actes. Pas question de passer par des discussions, la « morale » du personnage émergera exclusivement de son comportement en mission. Passé ces considérations, le background de Dishonored reste pour l'heure bien mystérieux : son style visuel néo-rétro évoque celui de Bioshock, à mi-chemin entre uchronie et monde parallèle. Vaguement inspirée d'une Londres en pleine ère industrielle, la ville de Dunwall promet d'être un monde autarcique cohérent, hanté par la figure tutélaire et mystérieuse de l’Étranger - un personnage aux pouvoirs quasi-divins, objet de culte pour une bonne frange de la population. C'est d'ailleurs ce personnage - mi-dieu, mi-démon, selon les mots des développeurs - qui donnera au héros ses pouvoirs.
La progression elle-même se divise en missions jouées en zones ouvertes, auxquelles on accède par le quartier central : il ne s'agira pas d'un open-world à la GTA, mais d'un monde segmenté en quartiers, et autant de missions à la saveur voulue « unique ». Une fois en mission, le joueur composera son approche entre la voix la plus bourrine - zéro discrétion, fusillade à tout va - et la plus raffinée - entrer par la fenêtre, s'infiltrer dans le dos de l'ennemi, interagir avec le décor. S'il opte pour l'infiltration, il disposera, outre des mécaniques de déplacements - déplacement accroupi, sprint, escalade - de nombreux pouvoirs élargissant ses options de jeu. Architecturé pour multiplier les voies possibles, le décor de la démo promet déjà des parcours hautement modulables, pour peu que l'on investisse la verticalité des niveaux.
Un grand panel de pouvoirs Les pouvoirs eux-même se diviseront en deux catégories. Il y aura d'abord ceux qui aident au déplacement, dont le plus remarquable, le « contrôle de l'esprit », permet d'incarner tous les êtres vivants du niveau, même les poissons et les rats - option très pratique pour s'infiltrer en douce. Autre usage possible : on pourra prendre possession de la cible pour l'isoler loin des regards témoins et l'éliminer dans un coin. Au centre des mécaniques de jeu, la combinaison des pouvoirs offrait dès la démo des séquences jouissives : par exemple, le présentateur se téléportait vers une cible de dos pour lui trancher la gorge en une fraction de seconde. Ailleurs, il sautait d'un balcon avant de se téléporter à la volée dans le corps « parachute » d'une jeune fille, évitant une mort certaine. De telles possibilités émergentes annoncent une grande ouverture du gameplay à l'inventivité du joueur, comme à la grande époque des Thief et autres Deus Ex.
Les pouvoirs offrent par ailleurs nombre d'options purement agressives : citons la possibilité d'envoyer valser les ennemis façon Fus-Ro-Dah avec une tornade, d'invoquer un bataillon de rats nécrophages - pour faire disparaitre les corps - ou d'améliorer sa puissance de feu ; de quoi laisser parler la poudre si l'envie nous en prend... d'autant que les meurtres, hyper violents, gratifient le joueur d'animations de mise à mort aussi variées qu'impressionnantes (décapitations et membres arrachés au programme, PEGI 18 assuré). Débloqués entre les missions, ces pouvoirs de combat et de mouvement pourront en outre être augmentés par des talismans cachés dans les recoins du décor : manière d'inciter à une inspection approfondie.
A quelques semaines de la phase bêta, le titre faisait déjà montre d'une belle finition : loin du capharnaüm qu'un tel gameplay ouvert peut induire, les situations restent limpides, propres et manifestement ludiques en toute circonstance. Une gageure sur un projet si ambitieux, qui semble bien parti pour réussir son pari : ressusciter les hauteurs ludiques de ses illustres références sous les traits d'un jeu moderne et visuellement flatteur. Réponse en cette fin d'année, puisque le jeu est prévu pour la rentrée prochaine.
Source :
http://www.jeuxvideo.fr/jeux/dishonored/preview-test-dishonored.html#ixzz1pBNwoq4C